Ce texte a été rédigé par notre blogueuse invitée, Marie-Philippe Rodrigue, M.Sc. Orthophoniste
Qu’est-ce qu’une orthophoniste et quel rôle joue-t-elle auprès des enfants qui ont un trouble du langage? Comment peut-elle appuyer l'enfant, le parent et l'enseignant dans l'amélioration du langage? Je vous explique ici les facettes de mon emploi auprès des enfants d’âge scolaire et des adolescents.
« Ah t’es la personne qui s’occupe des oreilles pour le monde qui entend mal c’est ça? » Cette phrase est LA réplique que j’ai le plus souvent entendue de ma courte carrière lorsque je dis aux gens que je suis orthophoniste. Bien que ce soit clair dans ma tête ce que je fais, à chaque fois qu’on me lance une réponse du genre, je réalise à quel point mon métier et mon rôle peuvent être méconnus au sein de la population. Et même quand je parle avec les parents de mes clients qui viennent me voir parce qu’ils ont été référés, plusieurs me disent « Ah ouin?!?! Je savais pas que c’était toi qui travaillait ça aussi! » Eh oui c’est moi! Mme l’Orthophoniste (avec un grand O)!
Alors pour démystifier un peu mon travail, voici les différentes facettes de mon métier et les clientèles avec lesquelles je travaille. Pour le bien de cet article (parce que sinon j’en ferais littéralement un livre), je vais me concentrer spécifiquement sur mon rôle en tant qu’orthophoniste auprès de la clientèle d’âge scolaire (primaire et secondaire).
Retard/Trouble de langage :
Ce n’est pas parce qu’un enfant prononce bien tous les sons de la langue française qu’il n’a pas de difficultés sur le plan langagier. Par contre, je vous l’accorde, à l’âge scolaire, les difficultés langagières sont souvent plus subtiles. À cet âge, on s’intéresse davantage à l’étendue du vocabulaire, à la formulation des phrases, à l’organisation des idées, à la façon de raconter un évènement, etc. À l’école, ces difficultés se manifestent principalement en contexte de résolution de problèmes mathématiques ou encore en contexte de compréhension de lecture et de production de textes.
En tant qu’orthophoniste, mon rôle est d’analyser les performances scolaires de l’enfant pour trouver où se situent ses difficultés. Souvent, les difficultés sont associées à des déficits sur le plan langagier (si l’enfant ne comprend pas plusieurs mots dans un texte, il sera difficile pour lui de répondre adéquatement à la question posée par exemple). Ensuite, j’interviens sur ces plans et offrant à l’enfant un support supplémentaire et en lui fournissant des trucs, en travaillant ses habiletés pour que ses compétences en matière de langage (l’expression comme la compréhension) s’améliorent et ainsi favoriser sa réussite scolaire. En thérapie, on décortique souvent en plusieurs étapes un apprentissage qui se fait de façon quasi-automatique pour enfant qui n’a aucun déficit langagier : pour composer un beau texte, il faut faire de belles phrases et pour formuler de belles phrases, il faut avoir le niveau de vocabulaire attendu pour son niveau scolaire. Ainsi, toutes ces composantes sont reliées et c’est mon rôle de m’assurer que tout s’enchaîne bien.
Bégaiement :
Chez la plupart des enfants d’âge préscolaire qui présentent un bégaiement en bas âge, celui-ci risque de se résorber naturellement. Dans certains cas toutefois, il perdure. Le mieux est toujours d’amorcer le suivi le plus tôt possible pour s’assurer que l’enfant retrouve une certaine fluidité. Dans certains cas et pour différentes raisons, le suivi ne sera pas amorcé avant l’école. Toutefois, pour un élève aux prises avec cette problématique, le bégaiement peut affecter grandement son estime de lui. De plus, parfois il est possible que le bégaiement apparaisse à un âge plus tardif (alors que l’enfant est déjà à l’école). Dans ces cas, les chances que le bégaiement persiste sont beaucoup plus grandes.
En tant qu’orthophoniste, je suis la professionnelle toute indiquée pour intervenir sur le plan du bégaiement. Par contre, il est important de noter que mon rôle dans le traitement du bégaiement dépend de la perception que l’individu a de son bégaiement. Si vous avez un élève qui présente un bégaiement, mais que cela ne semble pas l’importuner outre mesure (et ce peu importe la sévérité de son bégaiement) peut-être ne verra-t-il pas la nécessité de consulter en orthophonie. Toutefois, dans un autre cas (où le bégaiement vous paraîtrait peu marqué), peut-être remarquerez-vous que cela a un impact important sur l’implication de l’élève en classe et sa participation à des activités. Il pourra alors être intéressant de proposer un suivi en orthophonie pour aider l’enfant à mieux contrôler sa fluidité et ainsi à gagner en confiance.
Sigmatisme :
Plus communément appelé le « zozotement » ou parler sur le bout de la langue. Il est commun de voire les jeunes enfants antérioriser certains sons et parler sur le bout de la langue. Toutefois, cette manifestation se résorbe vers l’âge de 5-6 ans. Si l’un de vos élèves parle encore sur le bout de la langue dépassé cet âge, il est fort probable que cela demeurera ainsi à moins de bénéficier d’un suivi en orthophonie. Comme pour le bégaiement, certains enfants ne seront pas importunés par leur prononciation et ne verront pas l’utilité d’un suivi en orthophonie. Dans d’autres cas, la prononciation aura un impact important sur leur estime de soi et leur participation en classe. Un suivi en orthophonie permet de rééduquer la prononciation de l’enfant afin d’enrayer le « zozotement ».
Troubles spécifiques du langage écrit :
Aussi connus sous les termes « dyslexie/dysorthographie ». Ces troubles ne se manifestent qu’à l’âge scolaire étant donné qu’ils sont spécifiques au langage écrit qui est appris lors de l’entrée à l’école. Il est possible qu’un élève n’ait jamais manifesté de difficultés langagières sur le plan oral par le passé, mais que l’apprentissage de la lecture et de l’écriture soit ardu. Dans certains cas, il s’agit d’un retard de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture qui se résorbera rapidement avec une intervention ciblée. Dans d’autres cas, il s’agit réellement d’un trouble qui perdurera malgré une intervention ciblée (attention de ne pas confondre trouble et aucune amélioration. L’enfant progressera tout de même, mais à son rythme à lui et conservera un écart par rapport aux autres élèves de son niveau scolaire et de son âge).
Pour pouvoir conclure à un trouble du langage écrit, il faut avoir reçu un certain nombre d’interventions sur ce plan en orthophonie notamment. En tant qu’orthophoniste, c’est mon rôle de préciser le type d’atteinte ainsi que le niveau de l’atteinte. De plus, l’orthophoniste travaille de pair avec l’enseignant pour s’assurer de mettre en place des mécanismes de compensation qui aideront l’élève à suivre le rythme en classe et à développer ses habiletés de lecture et d’écriture (donc de favoriser la réussite scolaire).
Trouble déficitaire de l’attention :
Même s’il ne s’agit pas à proprement parler d’un trouble du langage, le TDA/H peut avoir des impacts sur différents plans de la compréhension et de la communication. Il peut être par exemple difficile pour un élève de trouver ses mots ou de bien organiser son discours. De plus, TDAH et trouble du langage vont souvent de pair. Ainsi, si vous sentez qu’un élève éprouve des difficultés malgré les mesures mises en place pour pallier aux difficultés attentionnelles en classe comme à la maison, une évaluation en orthophonie (et possiblement un suivi) pourrait aider l’enfant à mieux gérer ses difficultés.
Pour ma part, en tant qu’orthophoniste, j’enseigne à l’enfant les bases et principes de la communication, mais également l’organisation du discours et la gestion d’une conversation… Tous des éléments du langage qui ne sont pas toujours faciles à gérer pour l’enfant TDAH.
Ce ne sont là évidemment que quelques facettes de mon travail qui est très varié, mais auxquelles on ne pense pas toujours. Si jamais vous vous posez des questions par rapport à un élève et vous demandez s’il serait pertinent qu’il soit vu en orthophonie, n’hésitez pas à me contacter par courriel ou directement sur ma page Facebook.
Marie-Philippe Rodrigue est orthophoniste propriétaire et fondatrice de la Clinique Expression située dans la région de Québec. Passionnée par l'écriture, la technologie et la relation d'aide, elle a également son propre blogue : Marie-Philippe Orthophoniste. C’est pour elle une belle façon de partager son expertise en y ajoutant une petite touche personnelle. Tous les textes qu'elle écrit sont inspirés de situation rencontrées au quotidien et qui l'ont inspirée. Vous pouvez également la contacter pour lui poser directement vos questions.
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